Rencontre – Kevin Cyr
Ils sont sales, rouillés, usés par le temps et sont le véritable terrain de jeu des graffeurs dits « vandales ». Kevin Cyr en fait une véritable icône de l’Amérique. Les camions !
FC : D’où viens-tu Kevin ?
Kevin Cyr : J’ai grandi à Madawaska du Maine et maintenant je vis à New York.
FC : Comment s’est passé tes débuts en peinture et ta découverte du graffiti ?
K : Je peins des véhicules depuis une quinzaine d’années. Cela a été pour moi une façon d’immortaliser là où j’ai vécu et voyagé. Illustrer un lieu à travers ses véhicules en dit long. Quand j’ai déménagé à Brooklyn, il y a environ 8 ans, je me suis beaucoup intéressé aux camions couverts de graffitis et la façon dont ils sont emblématiques à New York. La peinture couverte de graffitis, les véhicules de la classe ouvrière captent et fédèrent le courage et le dynamisme de la ville.
FC : Comment organises-tu tes peintures ?
K : Je photographie des véhicules que je trouve intéressants. La majorité de mes tableaux sont des véhicules anciens. Il y a beaucoup plus de caractère dans un ancien véhicule, ses rayures, bosses, et marques ; tous racontent une histoire.
FC : As-tu une façon bien particulière d’accorder tes couleurs ?
K : La couleur de fond est la dernière chose que je peins. J’ai généralement une assez bonne idée de la couleur qui fonctionnera avec la couleur du véhicule, mais je teste un peu de nuances jusqu’à ce que les deux soient justes. Les choix de couleurs sont plus compliqués quand je travaille sur une exposition, car toutes les couleurs doivent fonctionner ensemble, mais rester fortes individuellement.
FC : Tu t’es focalisé sur les vehicules, les vans en particulier, peux-tu nous expliquer ce choix ?
K : Ma ville natale est une petite ville ouvrière où l’économie s’articule autour de la papeterie de la ville. La classe ouvrière et l’environnement industriel ont été des thèmes récurrents dans mon travail. J’ai toujours trouvé les zones industrielles des villes et des villages plus intéressantes. Les fourgons que je peins sont des fourgons de travail, des camions de déménagement, d’entreprise de livraison, ou même des vans de groupes de musique.
FC : Dans cette série de peinture, comment travailles-tu les tags, les lettrages ? Ce sont de véritables freestyles ?
K : Ils sont tous réels. Je les peins exactement comme ils étaient sur un véhicule quand il a été photographié. J’ai été capable de peindre les tags avec des méthodes traditionnelles de peinture, fine à certains moments, de la peinture plus opaque dans d’autres. Je peins à l’aide de plusieurs couches, donc je suis capable de travailler avec des transparents pour que le tag soit similaire à celui sur la camionnette.
FC : Ce sont des vehicules qui font entièrement partie du décors de la ville de New York, quel est ton rapport avec la rue ? Qu’est-ce que tu y vois ?
K : Les rues sont ma source d’inspiration et elles sont les titres de mes toiles. Chaque pièce a le nom de la rue où j’ai trouvé le véhicule.
FC : Selon toi, il y a eu beaucoup de changements autour du graffiti à New-York ?
K : Je ne me considère pas du tout comme un expert sur le graffiti. Je n’ai vécu ici que pendant une fraction de temps ridicule par rapport à la période sur laquelle s’étend l’histoire du graffiti à NYC. Mais, j’ai vu des changements assez spectaculaires dans de nombreux quartiers de Brooklyn. Les paysages industriels le long du fleuve marqués par des graffitis ont été remplacés par des développements stériles et soignés.
FC : Comment définirais-tu le milieu de l’art là-bas ?
K : New York est l’un des endroits les plus culturellement et artistiquement inspirant. Il y a tellement de gens qui créent et réalisent des travaux extraordinaires. De nombreuses galeries montrent les meilleurs artistes du moment. C’est une ville qui inspire et stimule à la fois.
FC : En 2010, tu as reçu le « West Price » pour ta création qui combine caddies de supermarché et des éléments de recyclage pour en faire un logement de rue. Peux-tu nous parler du prix et nous expliquer ce travail ?
K : Vers 2008, je me suis rendu à Pékin pour travailler. C’est là que j’ai commencé à réfléchir à un organisme fonctionnel, créer un véhicule semi-fonctionnels au lieu de les illustrer. Le Camper Bike (« vélo caravane ») est la première pièce que j’ai créé dans la série, et quelques années plus tard, j’ai créé le Kart Camper comme une réaction à la crise économique. Il a été sélectionné pour le West Price et acheté par la West Collection, qui sélectionne 10 artistes pour le prix chaque année.
FC : Tu pratique la peinture, as-tu déjà graffé, fait parti d’un crew ?
K : Non, jamais fais de graffitis. J’illustre la classe ouvrière à travers les peintures de véhicules. Les graffitis sont des marques qui s’ajoutent à l’histoire du van, qui l’a taggué, à quelle période, et quel emplacement de la camionnette. J’ai suivi des véhicules au cours de quelques semaines jusqu’à un an. Le graffiti apparaît et disparaît.
FC : Selon toi, le graffiti en quelques mots c’est… ?
K : La pierre et le dynamisme d’une ville. Le graffiti est audacieux, urbain et anthropologique.
FC : Peux-tu nous décrire une journée typique de Kevin Cyr ?
K : Je garde un joli studio le jour. J’y suis habituellement à 9:00 je peins jusqu’à 19:00. Certains jours, j’explore de nouveaux véhicules, je travaille sur des dessins, ou je réponds à des mails.
FC : Des projets à venir ?
K : Je viens de terminer une résidence d’artiste au Projet Wassaic. J’ai travaillé sur deux sculptures que j’ai l’intention de construire pour leur festival d’été. J’ai aussi un tas de peintures de véhicules sur lesquels je travaille pour des expositions à venir.
FC : Je te laisse le mot de la fin… ?
K : Merci pour l’interview !
FC : Merci à toi Kevin Cyr !
Quelques oeuvres
Source : Zombie studio / FatCap
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